En décembre 2019, je collabore pour un article sur le site du « courant pour une écologie humaine ». J’ai eu envie de vous le partager, et de le compléter à la fin pour, vous le verrez, modérer un peu mon propos.
Juliette habite Grenoble. Elle raconte ci-dessous pourquoi elle s’est mise à lutter contre la production de déchets et ce que ça a transformé dans sa vie, en espérant vous inspirer !
« Le zéro déchet (également nommé zero waste en anglais), qu’est-ce que c’est ? Je pourrai écrire une énième chronique sur les « 5R » : Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler, Rendre à la terre (composter). Cela serait une redite de tout un tas de blogs, sites et autres livres, tous très bien construits et instructifs. Je préfère donc ici vous livrer le témoignage de notre cheminement familial et ce que cette démarche « zéro déchet » nous a apporté.
Femme de quarante ans et maman solo de trois magnifiques filles, je ne suis pas une pro du « zero waste ». Il y a trois ans, alors que je suivais le parcours Zachée (sur la doctrine sociale de l’Église), j’ai lu Zéro déchets de Béa Johnson et La magie du rangement de Marie Kondo : oui, c’était une année riche en instruction ! J’ai trouvé que ces deux livres résonnaient fortement avec la doctrine sociale de l’Église, dans la mise en pratique.
Ça a été un véritable appel au désencombrement et au rangement de ma maison qui s’étendait inévitablement au rangement de mon « petit bazar intérieur »…
La particularité de cet appel est qu’il m’incitait à regarder en premier dans mes poubelles. J’ai ressenti très fortement que ce chemin-là serait celui vers la Sobriété avec un grand « S » et aussi vers une nouvelle approche de ma spiritualité.
Je suis une personnalité entière, facilement radicale dans mes choix (je dis toujours que je n’aime pas les extrêmes, mais ça m’arrive d’oublier de me l’appliquer, surtout quand je suis convaincue…). Et là, je l’étais, convaincue, je me suis donc engagée à 200 % dans cette démarche.
Quand j’ai dit à mes filles, aux portes de l’adolescence : « les filles, on ne va plus prendre de sacs dans les magasins, on va se moucher dans des mouchoirs en tissu, arrêter d’utiliser du sopalin, acheter en vrac et de saison, et puis, dans un deuxième temps, on va faire des expériences, on va fabriquer nos produits de beauté, et pourquoi pas notre maquillaaaaage ! », disons qu’elles n’ont pas dansé avec moi dans la cuisine. Elles m’ont sobrement répondu : « ne compte pas sur nous pour toucher à tes vers de terre (le lombricompost), c’est ton délire tout ça, tu te débrouilles ». Les limites étaient posées. Je n’avais plus qu’à lancer la locomotive.
Si l’envie était là, dans les premiers temps, je me rendais souvent compte que je n’arrivais pas à changer en profondeur mes habitudes de consommatrice. J’observais après coup, ce que j’avais fait de « mal ». Tous les bouquins disent qu’il faut être bienveillant et patient envers soi-même dans ce processus de transformation. Bonne élève, j’ai obéis. J’ai expérimenté la douceur, la lenteur, l’indulgence et l’amour envers moi… ce fût une révélation.
Plus tard, j’ai même osé transposer cette bienveillance dans d’autres domaines de ma vie (attention, pas partout ! On ne se refait pas non plus…) Et qu’est-ce que c’est bon ! Jamais je n’aurais pensé apprendre la douceur envers moi par la gestion de mes poubelles.
Assez rapidement, j’ai dû faire face à une réduction de 400€ de mon salaire mensuel. Béa Johnson insiste sur l’économie de 38 % sur leur budget familial réalisée grâce à cette démarche zéro déchet. Mais je savais qu’il me faudrait plusieurs mois pour réussir à combler cette perte. J’y ai vu une invitation à plus de radicalité dans ma pratique. Au fond, lutter contre le gaspillage est une solution simple, facile et rapide à mettre en place pour pallier ce manque d’argent. Et dire que j’avais prié pour trouver la force de m’y mettre plus à fond… clairement, avec cette nouvelle contrainte, j’allais être obligée de passer à l’action « pour de vrai » !
J’y suis donc allée franco. Comme je suis assez « récup’ et débrouille » (maman solo oblige, ça devient vite une seconde nature, surtout avec plusieurs enfants), j’ai récupéré rapidement dans mon entourage, mouchoirs en tissu et serviettes de tables. Grâce à mes compétences en couture, j’ai utilisé ces chutes de tissu pour faire des sacs à vrac (quelle joie de transformer ces bouts de matière inutilisés en superbes sacs servant à moins polluer !). J’ai coupé un tee-shirt que je gardais pour des raisons sentimentales alors qu’il n’était plus mettable, et j’en ai fait des mouchoirs à utilisation unique pour les périodes d’épidémies. Avec le tissu restant, j’ai fait des lingettes démaquillantes : adieu cotons jetables !
Mon estime et ma confiance en moi sont remontées à chacune de ces petites actions.
Au bout de quelques semaines de ce nouveau fonctionnement, j’ai eu la surprise de réaliser que du temps dans mes journées s’était libéré et que le rythme de vie ralentissait.
Disons les choses honnêtement : je crois que si je n’avais pas été obligée de m’y mettre, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. J’entends souvent les mots « lois coercitives » comme une nécessité / possibilité pour que les habitudes à une plus grande échelle changent de façon durable.
Je ne peux pas me positionner sur cette question, plutôt politique… je peux juste dire que pour moi, je suis sûre que s’il n’y avait pas eu d’obligation, je ne m’y serais pas adonnée avec tant de conviction. J’aurais changé quelques habitudes, juste ce qu’il faut pour avoir bonne conscience.
Comme à chaque transformation d’habitude, tout n’est pas que rose et facile : je raconterai aussi ce qui s’est moins bien passé. Un exemple : la semaine dernière, j’ai mangé dans l’emballage jetable du commerçant. J’avais oublié ma cuillère et mon super Tupperware pliable qui peut accueillir une portion de soupe à emporter… les vieilles habitudes ont la peau dure !
Mais il y a tout de même du progrès. Ainsi, après trois ans de lobbying auprès de mes ados, elles utilisent, entre autre, des pailles en inox, des tote bags et des protections périodiques lavables. Et pour ce qui est du lombricompost… je reste dans l’espérance ! »
5 ans plus tard, les serviettes hygiéniques jetables sont revenues. Trop galère de les utiliser au collège et au lycée. Mais les culottes de règles ont l’air de faire leur apparition. En tant que parent, j’ai choisis mes combats. Je n’ai pas risqué une guerre ouverte pour des protections périodiques !
Je suis à mon compte avec son lot de charge mentale et de gestion des aléas du quotidien. Je dois avouer que je fais moins de zéro déchets qu’à cette époque là. Souvent cela nécessite trop d’anticipation et de charge mentale. Les jours où je pars à vélo pour la journée, avec mon repas, mon matériel d’ateliers etc. Je ne prends pas en plus tous les contenants nécessaires pour les courses en vrac au retour.
Par contre, quand c’est trop le bazar dans ma vie, je regarde mes poubelles, et systématiquement : elles débordent !!
Je décide alors, de remettre de l’attention dans cette démarche très concrète, qui me permets d’avoir des résultats visibles en quelques jours. Et cerise sur le gâteau, mon budget s’en trouve allégé à chaque fois !!